C’est parce qu’elle en a fait l’intime expérience à plusieurs périodes de sa vie qu’Harmonie Godart est si apte à parler du processus de deuil dans la profondeur de ce que cela signifie et d’offrir un accompagnement autour de ce moment vulnérable de la vie appelant à un processus de réparation. Avec le temps, le deuil prend une autre forme beaucoup plus apaisée. Accéder à une paix intérieure et apaiser le système nerveux sont des parts essentielles de ce cheminement intérieur.
Se relever après la sidération
Quelques mois plus tard, Harmonie perd également ses jumeaux à 6 mois et demie de grossesse ; l’épuisement est mental et physique. Un long processus commence par rapport à la solitude face à ces pertes qui n’étaient pas dans l’ordre des choses. Devant tant de tristesse, son entourage est démuni. Certains commentaires provenant de l’extérieur sont malvenus, maladroits, « des choses aberrantes et inimaginables. Le deuil renvoie les gens à leur propre peur de la finitude. Deux amis proches ont été des personnes clés sur mon chemin de deuil, tels 2 bouées de sauvetage. En formation j’ai aussi rencontré d’autres personnes affectées par le deuil. » Nos aimés ne sont pas dans les cimetières : « au départ le corps est un point d’attache mais on sent vite qu’il est désormais une enveloppe vide. » Avec le temps, on se distancie de la période sombre du moment de la mort qui ne résume pas du tout le vivant d’une personne.
Vient ce moment, « il faut que je me relève mais je ne sais pas comment, c’est difficile de trouver le bout. Il faut que ça aille vite car c’est douloureux ». Harmonie se dirige vers les thérapies brèves, l’EMDR qui balaie les souvenirs douloureux liés à des images précises traumatisantes, l’art thérapie et d’autres méthodes de fil en aiguille : « tous ces petits bons m’enlevaient des nuages noirs, la lumière commençait à surgir et jaillir. Évidemment, des replongées sont à prévoir entre la douleur et l’envie de guérir mais on sent qu’il y a quelque chose au bout du tunnel. » Le deuil est un trajet qui change de forme chaque année : « on pense que le deuil est une période de 2 ans peut-être maximum mais la relation avec les personnes disparues n’a de cesse de se transformer. Pour moi, ce n’est pas quelque chose de lugubre, ni un ennemi. Heureusement que ce processus est là en tant qu’étape nécessaire et salutaire. Cela demande un grand travail sur les émotions qui nous chamboulent et, en les travaillant, on ne les subit plus. Cela mène à une sacrée renaissance. »
Construire sur ce qui a été appris
Pour Harmonie, la colère n’a pas duré comme cela seulement quelques mois, elle a fait des spirales. « Lors d’un premier deuil, on ne sait pas qu’il y a des étapes, on ne sait pas combien de temps ça va durer. On a l’impression qu’ici c’est l’enfer. On peut se dire que jamais nous n’y arriverons. C’est pour ça qu’il est important de se donner les moyens lors de ce processus si vulnérable. C’est comme si le corps entrait dans un marathon, le visage est bouffi. Dans la chair, on est fatigués. Cela prend une telle énergie, tous les jours pendant un moment. » Plus tard vient l’envie à Harmonie de se former tout en continuant son processus de guérison. « En consultation, mon rôle c’est d’aider la personne qui vient me consulter à traverser le nuage d’émotions qu’elle vit et lui donner l’opportunité de se sentir comprise dans ce qu’elle vit. Je rappelle aux personnes qui viennent me voir de faire attention aux soucis de coeur, des perturbations qui peuvent s’installer à ce niveau-là. Il est aussi important de penser à booster son immunité plus que d’habitude. L’appétit n’y est plus, on peut dès lors ne manger que des fruits pendant un temps. Le corps peut complétement décompenser, des maladies auxquelles on est prédisposé peuvent sortir ; voilà pourquoi il est important de prendre soin de soi, de s’entourer de bonnes personnes ou de choses qui nous font du bien. Il s’agit souvent de choses simples comme un thé avec un parfum que l’on apprécie, une musique, une promenade dans les bois, une bougie qui nous enveloppe de son odeur. » A une étape du parcours accompagné, Harmonie propose un enveloppement de nouveau-né dans des couvertures très douces : « on travaille le kinéthique avec un toucher léger en EFT, l’olfactif avec des huiles essentielles, le goût avec les fleurs de Bach ou les élixirs d’orchidée, l’auditif avec de la musique ».
La place de nos disparus
Il y a 3 ans Harmonie perd le chien guide qui l’a accompagnée pendant bien des années et avec lequel elle avait une relation magnifique : « en un seul regard, on se comprenait. Je crois que le coeur est assez grand pour accueillir bien différentes personnes en son sein. » En plus d’accompagner aussi des gardiens qui vivent le deuil de leur animal de compagnie ou qui passent par la décision de l’euthanasie, elle accompagne également des enfants endeuillés : « on part d’un livre pour les accompagner à leurs niveaux avec un vocabulaire accessible et on travaille les émotions ». Aujourd’hui, ces disparus occupent une place bien à eux dans la vie d’Harmonie : « j’ai l’impression qu’il y a beaucoup d’humour entre nous, c’est un amour transformé et sincère en dehors de l’espace et du temps et on a continué de vivre des choses ensemble au cours de toute cette période de deuil. Je trouve ça très beau cette complicité invisible. » Une chose est sûre, c’est que chaque deuil est un chemin unique où le prochain pas est à choisir dans le juste ressenti des choses.
Harmonie Godard, 0496 49 83 41, Gembloux, facebook.com/deuilenharmonie ; deuilenharmonie.com
Cette section est dédiée à ceux qui ont quittés ce jeu dans lequel nous sommes incarnés. Puissent-ils continuer leur extension ici sur Terre à travers l’amour et les souvenirs que nous avons construits ensemble et échangés. A tout jamais.
En hommage et mémoire de
Marvyn Issa Vermeren Basakala
Ce texte a été lu lors de l’hommage rendu à Marvyn à Forville, Belgique, le 8 février 2022. Un accident de la route a frappé la trajectoire de Marvyn le soir de son 26ème anniversaire et il nous a quittés le 02.02.2022, le 33ème jour de l’année.
Mon ami,
C’est grâce à ton sens de l’observation que tu as trouvé mon nom sur internet.
Nous avons commencé une correspondance. Dès le début, j’ai ressenti chez toi une sensibilité et quelqu’un qui avait un grand respect pour l’autre, qui comprenait les demi-mots et dont les intentions étaient claires et pures. Tu étais un excellent chercheur et excellais à croiser les informations que tu rencontrais sur ton chemin. Nous nous retrouvions autour de nos intérêts communs, nos recherches passionnées et nous commençâmes à échanger une part du fruit de nos observations.
J’ai aimé chacun de ces échanges et le temps que nous avons passé ensemble.
Nous avions établi avec qui nous sommes une collaboration qui nous élevait chacun.
Nous ouvrions des portes l’un pour l’autre.
Au plus j’apprenais à te connaître, au plus j’observais des similitudes entre qui tu es et qui je suis.
Nous avons fait le pari fou de cohabiter dans une grande maison, nous avons dû braver quelques peurs étant chacun très indépendant. Tu as découvert Thuin, tu y as sillonné tant de sentiers dans tes balades en solitaire. Nous avons dessiné une belle trajectoire en vivant sous le même toit, prenant soin de maintenir ce grand degré d’indépendance qui nous était nécessaire à chacun.
Souvent, nous nous comprenions entre les lignes et sans besoin de trop de mots.
Je me suis imprégnée de la bienveillance que tu avais mon égard, et tu t’imprégnais de celle que j’avais à ton égard. Évidemment, il y a un grand vide là où ta présence auparavant rayonnait autour de moi.
Je ne pensais pas te dire au revoir de si tôt. J’avais en tête une longue trajectoire pour continuer notre collaboration. J’étais très enthousiaste à l’idée de cette trajectoire. Mon coeur a besoin de se remettre de ton soudain départ. Au début, je n’avais pas envie de me lever dans cette réalité où tu n’étais plus.
Le flot de larmes tarira et laissera place à ton image indélébile comme compagnon invisible mais bel et bien présent dans mes pérégrinations.
Peut-être que certains d’entre vous, comme moi, vous auriez bien voulu vous téléporter à l’autre bout du tunnel du deuil, quand le plus dur sera derrière nous. Cependant, ce voyage est inévitable et prend du temps. On en sort transformés, comme toi Marvyn tu as connu une transformation.
Nous, ceux qui restent, nous voilà invités à redessiner une trajectoire sans toi en faisant les ajustements nécessaires en nous-mêmes, au plus profond du lien que nous avons avec toi, pour y trouver la lumière.
J’avais oublié comment c’était de vivre quand je ne te connaissais pas.
Le vide invite à de nouvelles fondations que ton départ m’invite à poser en moi-même.
Au Japon, ils réparent les objets brisés avec de l’or et c’est ce que je compte faire, Marvyn.
Je sais que tu es toujours là même si la forme que tu avais adoptée, elle, n’est plus. Tu continues de m’inspirer à donner le meilleur de moi-même et à avoir confiance que la vie sait apporter des personnes extraordinaires sur mon chemin. Quelle rencontre inoubliable Marvyn.
Ton unicité jamais je ne la retrouverai ailleurs ; cependant, elle me donne de la force par ce que tu posais comme choix au jour le jour, par qui tu étais.
Mes principaux amis connaissent ton nom et se sont connectés à toi. Tu fais partie de mon univers.
Quand le vrai connecte au vrai, c’est une histoire sans fin et éternelle qui prend place.
Quand nous partons de ce monde, il semble que seul reste le bagage d’amour et d’amitié que nous avons construit ici bas. Marvyn, tu fais très certainement partie du mien. Ce sont les êtres comme toi qui m’inspirent à donner le meilleur de moi-même.
J’ai aimé te suivre alors que tu trouvais sans cesse ton chemin pour comprendre la sensibilité qui t’habitait et qui fait de toi un être exceptionnel.
Je redessine ma trajectoire de vie avec toi à mes côtés, d’une autre façon à présent que nos échanges prennent une nouvelle forme. N’hésite pas à m’envoyer ainsi qu’à tous tes êtres aimés de nouveaux cadeaux sur nos chemins qui seront proches de ta signature si singulière.
J’espère que tu sais combien j’ai apprécié partager avec toi durant ces 18 derniers mois.
C’est une chance que d’avoir partagé toutes nos discussions.
Je travaille maintenant à accepter que nos discussions prennent une autre forme.
Tu restes à jamais gravé en moi, aussi longtemps que je serai moi aussi ici et j’en suis sûre encore après.
Il n’y a pas de frontière pour l’amour et l’amitié réels.
Tu es le vent qui a soufflé. Tu es l’oiseau blanc qui s’est posé. Tu es le son raisonnant dans l’eau.
Je sais que la paix est avec toi et que tu as déjà rejoint ta prochaine station d’aventure. J’espère qu’elle est clémente avec toi et qu’elle reconnait en toi l’extraordinaire être que tu es.
Je demande la grâce pour tous ceux à qui tu manques, puissions-nous être aidés chaque jour pour accepter ta transformation soudaine. Il nous faut à chacun trouver les clés pour donner sens à cette séparation apparente et installer de nouveaux modes de communication avec toi.
Que l’on continue à me parler de toi pour te garder si vivant à l’intérieur de moi.
Tu as été un cadeau sur mon chemin et tu restes un être cher dans mon coeur, maintenant et à jamais.
Puisses-tu continuer à trouver les clés de ta vérité.
Ta rencontre continue de m’ouvrir des portes. Tu continues de m’inspirer.
Ma relation avec toi ne prend pas fin, elle prend une autre forme, moins évidente.
Merci pour ton aide et ta collaboration.
Merci d’avoir choisi de passer une partie de ce temps avec moi.
Fais bon chemin dans tes explorations.
Tu es partout et l’infini retrouvé, infini que tu as toujours été.
Bon voyage à toi Marvyn, mon très cher ami, mon allié.
Tu es un prince des étoiles.
PS: la prochaine fois que nous nous rencontrons cher ami, je vais te pourchasser pendant un bon bout de temps pour m’avoir fait assister si prématurément à tes funérailles, toi qui adorait les blagues et les clins d’oeil. <3